Cela fait déjà trois semaines que je suis sorti de l’hôtel quarantaine. C’est étonnant de voir à quel point cette période me paraît déjà loin derrière moi. Depuis, j’ai eu le temps de visiter différentes villes et villages du nord du pays avant d’arriver sur Taipei, la capitale. Comme l’hôtel quarantaine se situait à Wanli, dans la ville de Jinshan, située tout au nord de l’île, autant dire que j’étais dans la campagne taïwanaise !
Je dois avouer qu’arriver dans Taipei a été très surprenant pour moi. Je venais de passer trois semaines dans des coins reculés et j’avais décidé de ne pas trop faire de recherches sur la ville pour la découvrir avec un regard nouveau, je n’avais pas d’attentes particulières. J’ai appris au cours de mes différents voyages qu’il est important de ne pas avoir d’attentes et de ne pas trop se faire une idée d’un lieu tant que l’on ne l’a pas vu et expérimenté soi-même. La découverte n’en est que plus grande. De plus, les expériences et les ressentis sont propres à chacun et chaque personne a sa sensibilité. En tout cas, c’est mon avis. Bref.
Nous sommes donc aujourd’hui dans la capitale et notre hébergement se trouve dans le district de Zhongzheng, en plein centre-ville, à dix minutes à pieds de la gare de Taipei. C’est un quartier très animé, avec de grands centres commerciaux et de nombreux cafés, coiffeurs, friperies, etc… Je m’étais dit que je n’allais pas comparer Taipei aux autres villes que j’ai pu visiter en Asie, mais je trouve que c’est nécessaire tant il est clair que la capitale de Taïwan s’est développée en s’inspirant de ses voisins, particulièrement le Japon et la Corée du Sud.
Concernant le passif de Taïwan, il faut rappeler que les Japonais l’ont colonisé de 1895 à 1945. À la suite de la Guerre du Pacifique c’est le parti nationaliste chinois, le Kuomintang, qui s’est imposé comme gouvernement sans aucun partage sur l’île jusqu’en 1987. Le parti démocrate progressiste (PDP), fondé en septembre 1986, va alors apparaître dans le monde politique avec une véritable légitimité. Aujourd’hui et depuis 2016, c’est Tsai Ing-wen, membre de ce parti qui est la présidente sur place. Le PDP considère que Taïwan est un état souverain et, bien sûr, n’entretient pas des liens toujours très amicaux avec la Chine. On ne va pas parler de politique ici — déjà parce que je ne suis pas spécialiste, mais surtout car ce n’est pas le sujet, cependant il était important de planter le décor.
Pour le moment je n’ai vu que le nord de l’île et je ne vais parler que de mon ressenti personnel. Tout d’abord, les Taïwanais sont des gens très accueillants et très chaleureux. Dans la grande majorité, ils sont souriants et vont toujours essayer de rendre la communication possible — je ne parle pas encore vraiment chinois aujourd’hui mais on arrive toujours à se débrouiller avec un mélange d’anglais, de quelques gestes et, aussi, un peu de mandarin. Ici on parle donc le mandarin (ou chinois, c’est la même chose) ainsi que le taïwanais, qui est une langue à part entière, et c’est le chinois traditionnel qui est utilisé à l’écrit.
Aujourd’hui Taïwan est une destination très prisée des touristes japonais, ce qui fait que le japonais est l’une des deux langues étrangères les plus parlées ici, avec l’anglais (c’est aussi sûrement par rapport aux raisons historiques évoquées un peu plus tôt mais aussi parce que Taïwan est très influencé, même aujourd’hui, par la culture japonaise). Maîtrisant ces deux langues, c’est un atout majeur pour moi dans la communication avec les locaux. Mais quoi qu’il en soit, si vous parlez quelques mots d’anglais, tous les jeunes seront contents de pratiquer avec vous ! Pour ce qui est du japonais, les personnes plus âgées seront plus susceptibles de le parler, étant donné les relations des deux pays par le passé. (ou peut-être aussi parce qu’ils gèrent des business avec pas mal de clients japonais) Tout ça fait que mon apprentissage du mandarin va être plus compliqué, dans le sens où je sais que je peux parfaitement m’en sortir sans le parler. Mais l’un des buts principaux de mon installation à Taïwan étant d’apprendre le chinois, je ne dois pas me reposer sur mes acquis !
En terme de paysages, on est sur un climat tropical dans un pays très montagneux et la nature est omniprésente partout. Quand le ciel est dégagé, on voit toujours les montagnes à l’horizon depuis Taipei, qui apportent une présence rassurante. Le côté tropical me fait un peu penser à Okinawa au Japon, avec une architecture plus « à la chinoise ». On se sent vraiment en Asie, notamment aussi grâce aux stands de street-food un peu partout et à cette bonne odeur d’encens qui émane des temples. (et aux milliers de scooters sur la route !)
Bref, Taïwan est un pays chaleureux et Taipei est une ville dans laquelle on se sent bien accueilli. La nourriture est variée et bon marché, le dépaysement est garanti et bien que la capitale n’a pas l’air immense, il y a énormément de choses à faire et de lieux à découvrir. Une très bonne entrée en matière, donc.
La capitale taïwanaise possède une identité propre tout en s’inspirant beaucoup de grandes villes modernes voisines, telles que Tokyo ou Séoul. Taipei est en développement constant et de nombreux bâtiments sont en construction aux quatre coins de la ville. J’aime comparer cette ville à une personne qui voyage beaucoup : en ce faisant, elle découvre de nouvelles cultures et de nouveaux horizons, dont elle va s’approprier les côtés qu’elle va juger être bons. Ça permet de s’ouvrir l’esprit, d’être plus tolérant et plus conscient des différents mondes et cultures qui nous entourent. Taipei, c’est la ville qui suit ce modèle.
Juste à côté de notre hôtel se trouve la station de métro (MRT) de Zhongshan, où se situe une longue rue avec de nombreux coiffeurs, cafés, etc… qui rappelle le quartier de Hongdae à Séoul ou de Harajuku à Tokyo. À Ximen, un quartier jeune et animé de la capitale, on pourrait croire que l’on est de retour à Shibuya pendant quelques secondes. Et puis il y en a d’autres qui ont conservé une identité ancienne, qui rappellent plus la Chine, comme celui autour du temple Longshan, considéré comme étant le plus important du pays. Bref, je pourrais continuer et dire que dans certains quartiers les nombreux panneaux verticaux bardés de sinogrammes en néons rappellent les paysages urbains de Hong Kong, mais vous avez compris : Taipei est une ville avec de nombreux quartiers très différents les uns des autres, qui a sa propre identité tout en puisant une véritable inspiration chez ses voisins asiatiques.
En ce qui concerne les habitants, du moins de mon interprétation, je trouve qu’il y a un véritable fossé entre la jeune et l’ancienne génération. Il y a clairement deux mondes qui cohabitent sur place. Les anciens ont plus un côté « traditionnel chinois », et les jeunes sont plus axés mode et culture asiatique au sens large, avec des styles que l’on retrouverait dans les quartiers branchés de Tokyo ou de Séoul. (du moins dans la capitale) C’est un peu pareil pour les différents quartiers de Taipei, qui oscillent entre traditions locales, héritage chinois et modernisation récente. Dans certains autres quartiers, on retrouve cette culture chinoise qui ressort avec la street food, le côté « chaos organisé », etc… On reste vraiment dans cet aspect « influences marquées, avec une identité propre » qui fait le charme de la ville.
Pour ce qui est de la vie sur place, comme je le disais plus tôt on se sent accueilli et plutôt bien dans Taipei. Les gens — comme partout à Taïwan, d’ailleurs, sont très souriants et accueillants. Ils se débrouillent toujours en anglais pour faciliter la communication et on arrive toujours à se faire comprendre. Il y a bien sûr, comme partout ailleurs, des personnes mal-aimables, mais c’est relativement minoritaire et toutes les bonnes ondes ambiantes permettent de ne pas vraiment y prêter attention.
S’il y a bien un moment de la journée où Taipei est mise en valeur, c’est à la nuit tombée. Lorsque le soleil commence à se coucher et que les lumières des quartiers commencent à s’allumer. Entre les marchés de nuit, les panneaux lumineux et autres néons que l’on retrouve partout, on est plongé dans une explosion de couleurs qui rendent la vie nocturne très chaleureuse. Le début de soirée est véritablement le moment que je préfère à Taipei.
C’est vrai que j’apprécie beaucoup ce côté très vivant de Taïwan. Les gens mangent souvent dehors, entre la street food des night markets et les terrasses parfois improvisées des restaurants, ce qui vient renforcer ce côté chaleureux. En plus de ça, il est courant de voir des petites mamies taïwanaises faire leur sport en musique dans différents parcs le soir, venant rajouter encore un peu de joie de vivre au paysage. Je crois que le terme qui représente le mieux Taïwan à mes yeux est vraiment celui-là : chaleureux.
En plus du côté chaleureux que j’ai mentionné ci-dessus, il faut avouer qu’un autre facteur vient rendre la vie sur place très agréable : la gestion de la pandémie de coronavirus. Étant donné que le gouvernement a pris des mesures radicales très tôt (frontières fermées et quarantaine de deux semaine pour toute personne arrivant sur le territoire, locaux et étrangers compris), Taïwan est un véritable exemple à suivre. Aujourd’hui, cela fait plus de 200 jours que le pays n’a recensé aucun nouveau cas de covid à l’échelle nationale. Les seuls cas recensés dernièrement sont des personnes en confinement qui ont dû se plier aux règles sanitaires et qui n’ont, de ce fait, pas pu sortir et contaminer d’autres personnes avant d’êtres prises en charge. Seulement sept personnes sont décédées à cause du virus depuis le début de la pandémie à Taïwan.
Les deux semaines de confinement imposées ne sont pas un véritable problème lorsque l’on sait qu’une fois sorti, on n’aura absolument aucune crainte d’être contaminé par ce virus qui fait tant parler de lui. Je dois reconnaître qu’ici, on ne parle même pas du covid. Il ne fait pas partie de notre réalité. Bien sûr, le masque est obligatoire dans les transports et dans certains lieux touristiques ou commerciaux ainsi que pour les personnes travaillant dans le service, mais globalement on vit sans penser au covid. C’est aux infos, dans les journaux, dans la rubrique « à l’étranger ». Pour illustrer cela, dites-vous que Taïwan est le pays dont l’économie a le moins souffert de la pandémie. Quand j’en parle à ma famille et à mes amis en France, ça paraît irréel.
Tout ça pour dire que pour l’instant, je me plais bien à Taïwan. Je dois travailler dur pour apprendre la langue et il me reste beaucoup de choses à découvrir, mais je suis sûr d’une chose : je pars sur des bonnes bases. J’ai vraiment hâte de voir ce que cette nouvelle aventure me réserve !
Après avoir travaillé 3 ans au Japon et préparé un projet documentaire appelé 80 Jours Japon, je suis rentré en France pour en faire la promotion dans l’espoir de repartir ensuite à Tokyo pour me professionnaliser. Malheureusement, la pandémie a annulé tous mes projets et, pour la faire très courte, j’ai dû trouver un plan B. Je ne peux pas retourner au Japon aujourd’hui et même si je le pouvais, la conjoncture actuelle ne favorise pas forcément le lancement d’une nouvelle activité. Pour être honnête, je n’étais pas sûr si m’installer au Japon était la bonne décision, et 2020 m’a permis de prendre du recul et de réfléchir plus longuement sur ce que je voulais faire.
Taïwan a rouvert ses frontières fin juin et j’ai vu là une belle opportunité : découvrir une nouvelle culture, une nouvelle langue, être dans une ville internationale qui se développe très vite et être proche du Japon pour d’éventuels projets et partenariats. Peut-être trouverais-je ici un endroit qui me correspond et dans lequel je pourrais m’épanouir personnellement et professionnellement. Mais pour l’instant, place à un isolement de deux semaines.
Mon voyage à Taïwan, ou en tout cas mon départ, était très incertain. Cette année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19 a, parmi tous les dégâts qu’elle a causés, rendu les voyages très compliqués dans de très nombreux pays. J’ai bien sûr dû remplir un dossier complet afin d’obtenir mon visa vacances-travail au consulat, et le pays impose en plus aux voyageurs de fournir un test PCR négatif au personnel de la compagnie aérienne le jour du départ, dont le prélèvement doit être effectué dans les 72h. Autant dire qu’avec les événements, obtenir ses résultats en moins de 72h est très compliqué et plutôt stressant. Jusqu’à la dernière minute, malgré les réservations d’hôtel, les billets d’avion, les préparatifs avant le départ (mon voyage dure au moins un an, il y avait donc pas mal de choses à gérer avant de partir), je n’avais aucune garantie que j’allais pouvoir partir. Mais comme j’écris ces lignes depuis le nord de Taipei, je sais que je n’ai plus à m’inquiéter. Quel soulagement.
Bien sûr, le test PCR ne résout pas tout. En arrivant à Taïwan, une quatorzaine est imposée à tous les voyageurs. Les locaux peuvent bien sûr la passer chez eux, mais pour moi-même et toute autre personne dans mon cas, il faut trouver une autre alternative. Heureusement, Taïwan a géré la crise d’une main de maître et n’a rien laissé au hasard : on retrouve sur le site du gouvernement une liste d’hôtels « quarantaine », qui se sont spécialisés dans l’accueil des voyageurs débarquant sur l’île. (AirBnB est fortement déconseillé car il n’est pas légal de faire sa quarantaine via le service, même si certains sont passés à travers les mailles du filet et que certains propriétaires sont prêts à prendre le risque.) Les prix des hôtels quarantaine varient, mais on s’en sort généralement pour environ 800 euros par personne, nourriture comprise. Et comme vous l’aurez peut-être deviné, si vous venez en couple ou avec un(e) ami(e), c’est chacun sa chambre. C’est très frustrant, mais ça fait partie de l’aventure ! Quoi qu’il en soit, une fois arrivé dans votre hôtel et les deux semaines écoulées, vous pourrez partir arpenter les routes de Taïwan. Les autorités demandent aux voyageurs de garder le masque dans les lieux public la troisième semaine, afin de s’assurer qu’il n’y a aucun risque, et un dédommagement d’environ 14000 TWD, soit environ 400 euros, est théoriquement envisageable (plus d’infos là-dessus bientôt). (Ce dédommagement n’est plus d’actualité)
Mais du coup, de l’aéroport à l’hôtel jusqu’à ce fameux séjour quasi-carcéral, comment ça se passe ?
Le vol se passe de manière tout à fait fluide. Je suis passé par la compagnie Eva Air, et je n’ai rien à redire quant à la qualité du service. Il faut évidemment garder son masque sur le nez pendant toute la durée du trajet (12 heures quand même, c’est long) et le changer toutes les 4 heures. Le plus surprenant à bord reste l’accoutrement des hôtesses de l’air. Grande blouse blanche, masque et lunettes de chimiste, on a l’impression d’être dans un abri antiatomique qui vole. À part ça, il n’y a rien de bien surprenant même si ça reste impressionnant d’avoir sous les yeux de telles images dystopiques, comme si l’air était infecté et que chaque personne était une potentielle arme bactériologique.
Arrivée à l’aéroport international de Taipei, on est immédiatement pris en charge. À la sortie de l’avion, nous sommes placés dans une file afin que les autorités vérifient que nous avons bien rempli un formulaire sanitaire avant d’atterrir. C’est l’un des nombreux pré-requis pour avoir l’autorisation de sortir de l’aéroport et il justifie notamment de notre test PCR négatif aux yeux des autorités. Comme nous n’avions pas de carte SIM, on nous a redirigés ma chérie et moi dans une autre file où nous allions attendre pour acheter une carte SIM locale, afin que l’on puisse nous joindre au moins le temps de la quatorzaine.
Téléphone activé, on peut remplir le formulaire sanitaire de nouveau en ajoutant nos coordonnées téléphoniques. On nous dit que ça servira à l’agent qui suivra notre cas et s’occupera personnellement de nous pendant notre séjour à l’hôtel. On sort alors récupérer nos bagages, et direction le comptoir pour attendre notre taxi !
Juste après avoir récupéré nos valises et passé la porte d’entrée du hall de l’aéroport, on aperçoit une file sur le trottoir d’en face. C’est là que les gens font la queue en attendant leur taxi. On les rejoint et deux personnes s’adressent à nous : une femme me donne un papier sur lequel je dois noter mes coordonnées et celles de l’hôtel, et un homme vient nous asperger de spray désinfectant aux fortes odeurs d’alcool de la tête aux pieds ! Tout y passe : les vêtements, les sacs, les valises… et c’est tout désinfectés que nous sommes pris en charge et suivons le chauffeur dans son taxi. Tout est indiqué sur le papier que j’ai rempli juste avant. Prise de contact avec le personnel de l’hôtel, et nous voilà partis. Le tarif pour rejoindre l’hôtel est le même pour tous les gens qui vont faire leur quatorzaine, soit 1000TWD, ce qui fait environ 30 euros pour une heure de taxi. Si la course dépasse ce montant, on ne nous facture que 1000 et si elle est inférieure à 1000, on paye le prix indiqué. Cela permet aux voyageurs de ne pas s’inquiéter même si leur hôtel quarantaine est loin du centre, ce qui est rassurant.
Arrivés à l’hôtel, nous sommes accueillis par une femme souriante dans une véritable combinaison anti-bactérienne, un peu comme les hôtesses de l’air. Elle nous explique rapidement comment les deux semaines vont se passer : on ne sort de la chambre sous aucun prétexte, on appelle tel numéro s’il y a quoi que ce soit, on prend sa température deux fois par jour (ils vendent des thermomètres si vous n’avez pas le vôtre) et on n’éteint jamais son téléphone. Effectivement, l’agent dont on a parlé un peu plus tôt doit pouvoir nous joindre n’importe quand et, apparemment, il doit nous appeler tous les matins. Tout est très clair, on récupère le paquet de nourriture qui nous est donné et il est l’heure de se séparer pour deux semaines. Je sers Amandine dans mes bras et prends la direction de ma chambre, qui se trouve au même étage mais à l’opposé de la sienne. Je rentre, pose mes affaires et souffle un grand coup : ça y est, c’est parti.
À l’heure où j’écris ces lignes, ça fait 11 jours que je suis en isolement. Voici donc ce que j’en aurai retenu :
Ma chambre est plutôt grande mais je n’ai pas de balcon, et une moustiquaire fixe m’empêche de passer la tête dehors pour prendre l’air. J’ai hâte de pouvoir sortir rien que pour sentir l’air sur mon visage. On m’a laissé beaucoup de bouteilles d’eau, il y a une bouilloire et beaucoup trop de brosses à dents à usage unique. J’ai bien sûr une climatisation et même la télé, si je veux habituer mon oreille au mandarin. C’est assez spartiate, mais ça suffit. Mon seul regret est de ne rien avoir pour faire le ménage, même pas un balai. J’utilise l’une des deux serviettes de la salle de bain pour nettoyer le sol avec de l’eau savonneuse. L’hôtel est très vieux et les fourmis ont décidé que c’était leur territoire, il faut donc être très prudent et ne pas faire tomber de miettes ou laisser de la nourriture sans attention. Je me suis réveillé avec une horde de petits soldats qui festoyaient sur ma nourriture de la veille un matin, pas deux fois ! Comme, bien sûr, personne ne peut rentrer pour faire le ménage, on se rend vite compte que passer sa vie 24/24 dans une pièce de 15 mètres carré laisse quelques marques. Quoi qu’il en soit, la chambre est spacieuse, et c’est une très bonne chose.
Tous les repas de la journée sont apportés aux mêmes heures : le petit-déjeuner à 8 heures, le déjeuner à midi et le dîner vers 17 heures. Le personnel de l’hôtel amène un sac qui contient notre repas et l’accroche à la poignée de la porte avant de sonner (sonnette assez surprenante le matin quand on dort à poings fermés). Il ne doit y avoir aucun contact entre eux et moi. Notre hôtel doit avoir un partenariat avec un restaurateur dans le coin, car c’est tous les jours la même chose : un repas avec beaucoup de riz, quelques légumes et de la viande. On a droit à un fruit en plus le soir, et le petit-déjeuner est en général salé, une petite omelette et une sorte de pain fourré soit au bœuf, soit aux légumes. Je ne peux pas parler pour les autres hôtels, mais en ce qui concerne le mien, la nourriture n’est vraiment pas top. J’en ai vite été écœuré et la grosse quantité de riz (qui n’est pas forcément de très bonne qualité) noyé dans la sauce m’a donné quelques problèmes de digestion très rapidement. Je dirais que la nourriture représente pour moi la plus grosse épreuve de cet isolement. Si c’était à refaire, je ferais en sorte d’apporter de quoi me nourrir un minimum moi-même, bien que je n’aie rien pour préparer à manger.
Voilà ce que j’ai à dire concernant ces deux semaines d’isolement à Taïwan. Curieusement, je suis content de vivre ça car ce n’est vraiment pas quelque chose que j’aurais cru vivre un jour. Cette année 2020 est décidément pleine de surprises, qu’elles soient bonnes ou moins bonnes. Quoi qu’il en soit, cet isolement de deux semaines n’est pas aussi terrible que je l’aurais pensé. C’est long, certes, mais les conditions restent « agréables » et il n’est pas compliqué faire preuve de rigueur en prenant un rythme. Sinon, passer son temps devant les jeux et Netflix sont de bonnes options aussi !
Quoi qu’il en soit nous arrivons bientôt au terme des 15 jours imposés par le gouvernement taïwanais, et j’ai hâte de retrouver Amandine et de faire un tour dehors, rien que pour me dégourdir les jambes et respirer à pleins poumons. Nous savions ce qui nous attendait en arrivant et c’est le prix à payer pour vivre ici, loin du climat anxiogène qui règne à la maison. Dimanche soir, je serai à nouveau un homme libre, et je pourrais dire que je l’aurai mérité !
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Jiufen, le village d’or de Taïwan
Situé à environ 1h30 de Taipei, Jiufen est un village faisant partie de la région de Ruifang, au nord de Taïwan. Il s’est développé économiquement à partir des années 1890 grâce à la découverte de mines d’or, créant une véritable « ruée vers l’or » qui s’essouffle petit à petit après la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à la fin des activités dans les années 1970.
Peu à peu oublié, Jiufen doit son regain de popularité au cinéma, et bien que beaucoup de gens fassent référence au Voyage de Chihiro, un très célèbre film d’animation de Hayao Miyazaki, qui s’est certes grandement inspiré du village dans la création de son œuvre, c’est surtout un film hongkongo-taïwanais qui va (re)faire découvrir Jiufen au grand public : la Cité des Douleurs de Hou Hsiao-Hsien. Sorti en 1989, le film aborde explicitement une période très compliquée de l’histoire taïwanaise : la Terreur Blanche.
Après le départ des colons japonais qui ont occupé l’île de 1895 à 1945, la population de Taïwan se soulève contre le gouvernement en place — le Kuomintang, parti nationaliste chinois, en 1947 suite à un accident, le massacre 228 (228 faisant référence au début du triste mouvement, le 28 février). La terreur durera 38 ans et aura des conséquences terribles sur l’île jusqu’à la fin des hostilités, en 1987. Le film de Hsiao-Hsien va alors faire grand bruit deux ans plus tard et, comme le tournage a lieu à Jiufen, il va attirer les projecteurs sur le village.
Sur les traces de Chihiro
Nous avons passé trois nuits sur place avec Amandine pour profiter pleinement du lieu. Heureusement pour nous, car il a plu à torrents et sans arrêt les deux derniers jours ! Le côté positif dans tout ça, c’est qu’entre la météo et la pandémie du covid, nous avons eu la chance d’admirer Jiufen vidé de touristes dans une brume mystique, et c’était une expérience inoubliable.
La magie opère réellement une fois la nuit tombée. Les lanternes traditionnelles s’allument et teintent tout le paysage d’un léger rouge. Avec la pluie, les lumières se reflètent dans les flaques qui jonchent le sol des vieilles ruelles pavées. Sur Jishan Street, la rue principale, on se sent enveloppé dans une agréable atmosphère qui paraît hors du temps. Les commerçants nous font des gestes pour que l’on goûte leur thé ou leurs sucreries, de nombreuses odeurs viennent taquiner nos narines (le « tofu puant », notamment, un plaisir celui-là)… Bref, l’expérience est unique et toutes ces lumières, cette architecture… c’est un véritable voyage visuel, auditif et olfactif !
Comment se rendre à Jiufen ?
Pour accéder au village, vous pouvez prendre le train de Taipei jusqu’à la gare de Ruifang. En arrivant, vous n’aurez aucun mal à trouver un taxi car ils vous attendent de pied ferme. Un prix est fixé pour aller de la gare à la vieille rue du village : 205NTD, soit environ 6 euros pour une course d’une vingtaine de minutes. Vous avez également un bus si vous préférez, mais vu le coût du taxi et la popularité de l’endroit, le voyage en taxi se présente comme une valeur sûre. Si le cœur vous en dit vous pouvez également aller de Ruifang à Jiufen à pied : c’est une bonne heure de marche qui vous attend et il ne faut pas oublier qu’on est en montagne, ça monte ! Mais vous aurez l’opportunité de vous arrêter en cours de route pour faire un détour par le temple Jinshan, situé en contrebas.
QUE FAIRE À JIUFEN ?
Bien sûr, admirer le village et prendre des photos est une évidence. Mais la rue principale regorge de restaurants et autres boutiques de sucreries traditionnelles ! Voici quelques recommandations personnelles (cliquez sur les noms pour les découvrir !) :
Un restaurant de nouilles réputé à Jiufen, peu cher, très bon et personnel très sympathique !
Un petit café à l’ambiance agréable et décontractée pour profiter de la vue. Un peu onéreux par rapport aux prix à Taïwan.
Un fabricant de crêpes à la cacahuète râpée et coriandre avec deux boules de glace très célèbre à Jiufen. La coriandre ajoute une touche de fraîcheur surprenante !
Une maison de thé traditionnelle dans une vieille bâtisse proposant thés, plats et saké local.
Quoi qu’il en soit, je n’ai aucun doute sur le fait que vous allez trouver des restaurants à votre goût ! Il y en a tellement que nous n’avons pas pu tous les essayer, c’est pour dire. Et si vous avez le courage, il y a du tofu puant à différents endroits. Pour le trouver c’est très simple, fiez-vous à votre nez !
Où dormir à Jiufen ?
Une seule journée peut suffire à faire le tour du village. Si vous n’avez pas beaucoup de temps devant vous, essayez de privilégier une journée en semaine pour éviter la masse de touristes et restez jusque 21 heures environ, afin de bien profiter de l’ambiance nocturne du lieu. Si vous avez l’occasion de passer ne serait-ce qu’une nuit sur place, je vous le conseille ! C’est l’idéal pour flâner et ne pas se sentir pressé par le temps. Regarder constamment l’heure qu’il est lorsqu’on est pressé risque de gâcher l’immersion. Pour dormir sur place, il existe de nombreuses options, même si vous risquez de payer plus cher étant donné la popularité du lieu. Je vous conseille le « Bed & Breakfast » dans lequel nous avons séjourné, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord les propriétaires, un petit couple de grand-parents, sont adorables ! Mon chinois est encore très limité et j’ai été frustré de ne pas pouvoir réellement échanger avec eux, mais ils ont été d’une extrême bienveillance. Ensuite, pour le lieu en lui-même, on est directement chez l’habitant, dans une vieille maison taïwanaise à flanc de montagne. L’immersion est complète, et on a vraiment l’impression de faire partie du décor l’espace de quelques jours… Voici le lien vers ce fameux Lin Yuan Village.
Pour faire de jolies photos, on trouve de nombreux spots sur place bien qu’ils aient en majorité déjà été rodés par les autres chasseurs d’images (mais les souvenirs restent personnels, eux !) Par exemple, la grande maison de thé traditionnelle qui se trouve sur Shuqi Road, une ruelle verticale en escaliers qui vient croiser Jishan Street est très prisée par les touristes armés de leurs smartphones. Et on comprend aisément pourquoi quand on arrive devant. C’est envoûtant !
Comme Jiufen se situe en hauteur et à flanc de montagne, on peut également admirer la vue une fois au bout de Jishan Street. Le panorama qui apparaît sous nous yeux laisse apercevoir la baie et de nombreux villages en contrebas, quelques temples et, à perte de vue à l’horizon, la Mer de Chine. Quoi de mieux pour faire une pause café dans l’un des petits établissements (bar, cafés, restaurants…) qui offrent une place de choix pour admirer la vue en profitant d’un chaleureux moment !
Si je devais recommander Jiufen à quelqu’un, je dirais que c’est un « no brainer » (une évidence, quoi). Autant dire que je vous le conseille les yeux fermés ! Si vous êtes de passage à Taipei, prenez une journée ou deux et allez y faire un saut. Même s’il n’y a plus d’or, le village n’en est pas moins précieux. Un seul côté négatif cependant : le monde. Bien qu’on ait eu la chance de profiter du lieu avec moins de touristes qu’en temps normal, lorsque la situation va se stabiliser, il est certain que Jiufen va se faire attaquer de nouveau. Alors encore une fois, évitez le week-end et les jours de fête nationale si vous le pouvez ! Pour tout le reste, je n’ai aucun doute : que vous ayez vu le Voyage de Chihiro ou non, vous allez adorer.
Pour terminer, voici une vidéo sur notre séjour à Jiufen pour compléter cet article !
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